La Cour de cassation a rendu une décision pour le moins étonnante pour un pays dans lequel le droit de propriété est roi (Cass. com., 29.1.2013, Solutions c/ Google Cobrason, n° 11-21011/11-24713). Ainsi, une entreprise n’est plus la seule à pouvoir utiliser sa dénomination sociale pour générer du trafic Internet par AdWords. Elle peut voir sa dénomination sociale utilisée par un concurrent. Un utilisateur désireux de se renseigner sur une entreprise peut ainsi se voir diriger sur le site d’un concurrent. La Cour de cassation déclare que sans risque de confusion pour le public, l’utilisation de « signes distinctifs d’un tiers » (typiquement la marque et la dénomination sociale) n’est pas constitutive de contrefaçon. Pis, si une entreprise « victime » d’un référencement AdWords de ses signes distinctifs par un concurrent venait à s’en plaindre, elle pourrait se voir condamner sur le fondement de la concurrence déloyale (Cass. com., 14 mai 2014, Sig-image c/ Sogelink, n° 12-15534).
Le risque de confusion, seul rempart à la pratique
Il existe tout de même un moyen de contourner cet état de fait. En effet, la décision de la Cour de cassation ne peut être appliquée si un risque de confusion est prouvé par l’entreprise dont les signes distinctifs sont utilisés. En clair, s’il est prouvé que les utilisateurs pensaient être sur la page de l’entreprise recherchée mais qu’ils se retrouvent sur la page d’un concurrent sans s’en rendre compte, cela caractérise la confusion et la société est bien fondée à intenter une action. Cependant, ce risque de confusion est laissé à l’appréciation souveraine des juges, qui rechignent encore trop souvent à caractériser cette notion dans une volonté de libéralisme de l’économie numérique. En matière d’Internet, mieux vaut donc se protéger et être le premier à déposer en mots-clés tous ses signes distinctifs sur AdWords avant qu’un concurrent ne le fasse. La possibilité reste également ouverte d’agir sur le terrain du parasitisme dont la conception est large en droit français. Il suffit alors de prouver que le concurrent agit comme « suiveur » de l’entreprise, grâce à un faisceau d’indices (mêmes conditions de vente, mêmes pratiques commerciales ou promotionnelles…).