Dans une série de trois arrêts en date du 3 décembre 2014 (notamment C.cass., Chambre sociale, 3 décembre 2014, n°13-20501 mais également n°13-22343 et n°13-22151), la Cour de cassation a réaffirmé le principe de la liberté d’expression bénéficiant aux salariés, mais en a posé les limites, en démontrant l’utilité encore aujourd’hui du célèbre adage « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ».
Expression oui, dénigrement non
L’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dispose dans son alinéa premier : « Toute personne a droit à la liberté d’expression » et continue dans son alinéa second : « L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions (ou) restrictions (…), nécessaires (notamment) à la protection (…) des droits d’autrui (…) ». Ce droit est accordé à tout à chacun et est applicable partout. Ainsi, l’entreprise ne fait pas exception. Mais elle ne fait également pas exception dans les restrictions qui peuvent frapper la liberté d’expression.
Ainsi dans les affaires en l’espèce, ont été jugés comme abusifs les propos racistes de deux salariées envers des prestataires intervenant dans leur société. Même si leur discussion était privée, c’est-à-dire tenue seulement entre elles deux, elle était néanmoins audible par tous et notamment les deux personnes objets des propos. Cette affaire illustre par ailleurs parfaitement l’une des limites posées à la liberté d’expression par l’alinéa 2 de l’article 10 de la CEDH, qui est celle de la protection de la morale et des droits d’autrui.
Si l’entreprise est un microcosme à part, elle n’en reste pas moins soumise aux mêmes règles que celles applicables dans la vie civile. Les salariés peuvent effectivement dire ce qu’ils veulent mais doivent également respecter les personnes qui les entourent, qu’elles soient le sujet ou non de leurs discussions. A défaut, le salarié peut verser dans le harcèlement ou l’insulte (raciste, homophobe) et risque alors de se voir sanctionner par son employeur, voire licencié. Il est à noter que le licenciement survenant suite à des problèmes concernant la liberté d’expression est très souvent admis par les juridictions.