Selon le vrai/faux du gouvernement, « la version actuelle du bulletin de paie présente trop de lacunes : accumulation de mentions et d’intitulés ni clairs, ni harmonisés, informations trop nombreuses, incompréhension du calcul du montant dû au salarié et payé par l’employeur… ». Cette réforme devrait faire économiser aux entreprises du temps mais aussi une estimation de « 8 euros par mois et par salarié, soit un potentiel d’économies de 1,6 milliard d’euros au total chaque année », selon le gouvernement.
Le décret n° 2016-190 précise les mentions qui figureront sur le nouveau bulletin de paie tandis que l’arrêté du 25 février 2016 vient fixer les libellés, l’ordre et le regroupement d’informations qui figureront sur ce bulletin. Par ces textes, le gouvernement souhaite rendre les fiches de paie plus lisibles en ne retenant pour chaque ligne que la mention « la plus compréhensible possible ».
Des précisions et des retraits d’informations
Il y aura un regroupement « des lignes de cotisation de protection sociale ». Les contributions « relevant de l’employeur [seront] regroupées en une seule ligne ».
De plus, une information des salariés sur le coût du travail est prévue en affichant sur le bulletin de paie les sommes du salaire brut et des cotisations employeur.
Le montant total des « allègements financés par l’Etat » sera aussi notifié dans le nouveau bulletin de paie.
Il n’y aura plus de référence à l’organisme d’accueil auquel l’employeur verse les cotisations de sécurité sociale. Disparaîtra aussi l’obligation d’un récapitulatif annuel qui accompagne actuellement le bulletin présentant des regroupements de cotisation.
Le projet de loi de réforme du Code du travail porté par Myriam El Khomri mentionne aussi la possibilité d’éditer électroniquement les bulletins de paie. Aujourd’hui, cette possibilité n’est possible qu’avec l’accord du salarié.
Les premiers bulletins de paie en service dès le 1er mars 2016
Nous évoquions déjà ce projet de simplification de la fiche de paie sur notre site en 2014. L’initiative, née du choc de simplification, avait alors déjà été reporté d’un an, en raison des difficultés à le mettre en oeuvre.
Au final, les changements apportés par ces décrets s’appliqueront dès le 1er janvier 2017 pour les employeurs d’au moins 300 salariés et à partir du 1er janvier 2018 pour les autres employeurs.
Ce vendredi 26 février, des entreprises volontaires se sont engagées à expérimenter le dispositif en donnant à partir du 1er mars 2016 ce bulletin de paie nouvelle génération.
Une réforme inscrite dans un plus vaste programme
Depuis 2013, le gouvernement mène un programme de simplification des démarches administratives pour les particuliers, l’administration et les entreprises. L’un des objectifs de cette réforme est de stimuler l’activité économique en simplifiant les procédures. Le gouvernement a révélé le 17 juillet 2013 les 200 premières mesures de ce programme. Depuis, de nombreuses mesures sont venues s’ajouter au programme et aujourd’hui, il existe 450 mesures de simplification comme l’emblématique « silence vaut accord » qui est entré en application le 12 novembre 2014.
Interview de Fabienne Lemorvan, Directrice Service Employeurs du groupe COGEDIS
Les experts comptables ont-ils participé à la préparation de cette réforme ? Ont-ils été consultés ?
Le 15 décembre 2015, lors de la journée annuelle du club social, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des Experts-comptables a communiqué à la Ministre du travail ses propositions pour simplifier le droit du travail.
4 demandes ont été formulées :
- prise en compte des besoins spécifiques des petites et moyennes entreprises en favorisant flexibilité et dialogue social, ce qui passe par la promotion de la logique contractuelle dans les entreprises dépourvue de représentation syndicale ;
- simplification “réelle” du bulletin de paie en unifiant les bases et les assiettes de cotisations, en fusionnant la CSG et la CRDS et en réduisant le nombre des conventions collectives ;
- adaptation du contrat de travail à la réalité des besoins des entreprises notamment en assouplissant le contrat de projet et en créant un contrat de travail simplifié pour les entreprises innovantes ;
- adaptation enfin des modalités d’application du délai de 5 jours pour déclarer les changements affectant les salariés prévus par la déclaration sociale nominative (DSN) en le faisant débuter à la date de connaissance par l’employeur de ces changements et en l’allongeant lorsque l’entreprise a recours à un expert-comptable.
Que pensez-vous de cette mesure ? Comment cela va impacter votre activité ?
2 aspects sont à distinguer :
Le visuel bulletin de paie :
La loi prévoit en effet une réduction du nombre de lignes et un regroupement des cotisations selon leur nature afin de rendre le bulletin de paie plus lisible.
Le salarié visualisera donc immédiatement le montant de son salaire brut et de son salaire net.
Malheureusement bien souvent, le salarié apprécie de voir dans le détail des cotisations ce qui a fait varier son net.
Cela ne sera plus possible car tout ce détail ne sera plus présent.
Les économies potentielles :
Il est annoncé que la simplification du bulletin de salaire sera synonyme de gains.
Le visuel change certes mais le back office bulletin de salaire lui ne change pas…
Et à défaut de faciliter les calculs sous-jacents. Où réside l’économie ?
L’accumulation des lois sociales et fiscales toujours plus techniques ont rendu le processus d’édition des bulletins de paie complexes, et donc coûteux.
Tous les ans, l’évolution réglementaire vient impacter le bulletin de salaire :
Exemple l’intégration du compte personnel de formation, d’un double taux de cotisation pour les allocations familiales (à savoir : 3,45% jusqu’à 1,3 fois le Smic, soit 2.312 euros en 2014, 5,25% pour les autres), ou encore le compte pénibilité.
Que pensez-vous des 8 euros d’économie par salarié et par mois attendus par le gouvernement ?
Comme on l’a vu, ce n’est pas la simplification du bulletin de salaire mais la DSN qui va impacter nos missions.
La DSN va remplacer la quasi-totalité des déclarations sociales auxquelles les employeurs sont tenus.
Le gestionnaire paie n’aura donc plus qu’une simple déclaration à réaliser en lieu et place de plusieurs EDI mensuels ou trimestriels. Moins de manipulations, moins d’organismes et caisses demandant chacun leur fichier de charges,…
La nouveauté est principalement ici…
Mais l’administration simplifie d’un côté et complexifie de l’autre.
Si la DSN se traduit mécaniquement par un gain en temps de production au bénéfice de l’employeur, la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu des salariés par l’employeur prévu pour 2018 va impacter le bulletin de salaire et engendrer une augmentation des coûts difficile à quantifier pour l’instant. La fiscalité directe française étant très complexe on ne s’oriente pas vers une simplification pour les employeurs bien au contraire.
La certitude, c’est que l’employeur via le bulletin de salaire deviendra le collecteur d’impôts. Les services employeurs des différents cabinets d’expertise comptable devront donc être prêts pour ce changement technique … et culturel.
Est-ce que cela est sensé venir d’une baisse de vos prestations de gestion de la paie ?
Notre engagement qui est vraiment l’ADN du groupe Cogedis est d’aider nos clients à améliorer la performance et la rentabilité de leur entreprise. La recherche de la meilleure compétitivité de nos prestations y participe. On attend le bilan de la phase de volontariat qui sera établi par le gouvernement d’ici le 1er septembre 2016 avant de déterminer l’impact réel de la mesure.
Quelles seraient les conséquences pour vous d’une baisse d’activité et de CA ?
Concernant notre activité, elle a doublé en 10 ans et l’augmentation régulière de notre clientèle nous fait envisager l’avenir en confiance.
Par ailleurs, nous développons des solutions de conseil RH et management pour les employeurs et la demande est forte en ce domaine.
Les logiciels de paie seront-ils prêts ?
Le groupe COGEDIS utilise des logiciels performants édités par un des leaders nationaux qui ne peut se permettre d’être en retard au regard des exigences réglementaires.
Comment allez-vous informer vos clients ?
Nous adressons chaque mois à nos clients un support de communication avec des questions/réponses, les principales évolutions réglementaires et un dossier thématique. Nous consacrerons certainement un numéro spécial à ce changement sur lequel nous allons détailler le processus et leur fournir un spécimen de nouveau bulletin de salaire.
La communication se fera sur plusieurs mois avec des apports de compléments d’informations pour que les employeurs puissent être prêts à répondre aux demandes de leurs salariés.
A propos du groupe COGEDIS
COGEDIS est un groupe d’expertise comptable d’envergure : 85 bureaux de proximité sur 30 départements, essentiellement dans le Nord-Ouest de la France (Bretagne, Pays de Loire, Normandie et Aquitaine). Pas moins de 800 collaborateurs œuvrent pour 17 000 clients.
Le conseil en gestion et l’optimisation sociale et fiscale constituent le coeur des missions de Cogedis. Les collaborateurs accompagnent les entreprises et porteurs de projets en juridique, environnement, gestion de patrimoine, ressources humaines, audit, protection sociale, transmission d’entreprise, marketing et commercial ainsi que dans la stratégie globale d’entreprise.
Voir les chiffres clés du groupe COGEDIS sur manageo.fr.