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Marché de l’art contemporain : quand digitalisation rime avec démocratisation

5 min de lecture

Le marché de l’art s’est engagé avec un certain retard dans une irréversible révolution numérique. Encore marginal en 2013, le marché de l’art en ligne comptera vers 2020 pour moitié dans le chiffre d’affaires global de ce secteur. 

Si la digitalisation du monde de l’art entraîne plusieurs bouleversements, il facilite cependant la diffusion des créations d’artistes contemporains au sein des entreprises ainsi que chez les particuliers.

La France, perdante de l’évolution du marché de l’art

Le marché de l’art s’inscrit dans un contexte de mondialisation, les artistes américains vendent des œuvres à Hong-Kong, pendant que des clients allemands acquièrent des photographies d’artistes japonais. 
L’éclatement et la diversification des points de vente, facilité avant tout par la digitalisation, sont les plus évidentes manifestations de cette mondialisation.

En 1990, la place de Paris, bien que déjà déclinante depuis plusieurs décennies, concentrait encore environ 40% du marché mondial de la vente aux enchères d’œuvres d’art. Dans les années 2010 cette hégémonie n’est plus qu’un lointain souvenir, puisque la part de la capitale française sur ce marché s’est effondrée sous la barre des 3%

La part de Paris sur le marché mondial de l’art est passé sous la barre des 3%

Différents facteurs d’explication existent : absence de maison de ventes d’envergure internationale, rareté des artistes contemporains français de premier ordre, difficultés de sortir de la routine un marché autrefois prépondérant… La relative faiblesse de la digitalisation des acteurs opérant dans le marché de l’art français, à côté des concurrents britanniques et surtout américains, demeure symptomatique de la frilosité passée des galeristes et autres marchands d’art devant cette innovation technologique incontournable. L’entrée fracassante de la Chinedans le marché de l’art, au point de s’y tailler la part du lion et d’y concurrencer les États-Unis, explique enfin mécaniquement le déclin français relatif. 

La digitalisation du marché de l’art est un phénomène encore très récent

La digitalisation du marché de l’art n’explique pas vraiment l’émergence des grands marchés d’art nationaux, et l’effondrement de certains autres. Le rapport de forces qui régissait en 2010 le marché de vente aux enchères demeure inchangé une décennie plus tard, avec trois pays se partageant plus de 80% du chiffre d’affaires total (Chine, États-Unis et Royaume-Uni). 

La Chine, les Etats-Unis et le Royaume-Uni se partagent 80% du chiffre d’affaires total des ventes aux enchères

Or en 2010, les ventes d’œuvres d’art en ligne étaient encore marginales, et représentaient moins de 10% du chiffre d’affaires global en 2013. La digitalisation massive du marché de l’art, au moins en ce qui concerne la vente, est donc un phénomène extrêmement récent. 

Une galerie d’art contemporain en ligne, comme Artsper, est capable de remplacer un point de vente physique. D’ailleurs ce type de site permet de proposer un catalogue très large et mondialisé d’œuvres contemporaines à une clientèle tout aussi vaste. De plus, les galeries en ligne permettent de promouvoir des artistes émergents et de les exposer à un public qui n’aurait peut-être pas spontanément poussé la porte d’une galerie.

Mais avant même l’efflorescence de ces marketplaces et des enchères en ligne, Internet a été une mine d’or en tant que banque de données des œuvres d’art, dont l’une a été constituée dès 1997 par l’entreprise française Artprice

Autres acteurs essentiels, les réseaux sociaux et les applications jouent désormais un rôle fondamental dans la promotion des artistes et des exposants. Si Instagram a supplanté Facebook dans la promotion des artistes, le réseau de Mark Zuckerberg est encore privilégié lorsqu’il s’agit de nouer des relations entre artistes, clients et promoteurs.

Une révolution numérique prometteuse

Les enjeux de la révolution numérique dans le monde du marché de l’art sont à beaucoup d’égards semblables à ceux des commerces traditionnels auxquels la digitalisation a apporté de la valeur pour les consommateurs. Proximité accrue entre acheteurs et vendeurs, information exhaustive et accessible sur l’offre, facilité d’achat… constituent des avantages communs au commerce numérique de l’art comme au secteur digital de l’habillement par exemple. 

Toutefois, il ne faudrait pas nier les spécificités du marché de l’art, tels que sa dérégulation, son caractère spéculatif et la valeur parfois exceptionnellement élevée de certains de ses produits. 

La promotion d’artistes qui, sans la digitalisation du marché de l’art, resteraient dans l’ombre, est un gage de vitalité et de renouvellement culturel.

Enfin, avec un soin sans doute plus minutieux que la plupart des vendeurs en ligne, les acteurs du marché digital de l’art ont adopté des protocoles adaptés aux produits transportés et à leurs caractéristiques physiques. Ce protocole inclut généralement l’installation de l’œuvre dans son nouvel environnement par des prestataires spécialisés dans le transport d’œuvres d’art. Cet aspect logistique, comme toujours dans la vente en ligne, est une condition nécessaire au changement des usages.

La technologie blockchain pour certifier l’authenticité des œuvres d’art

La popularité croissante des monnaies virtuelles a rendu presque commun le concept de blockchain. Mais les crypto-monnaies ne sont pas les seules applications de cette technologie. Le site Seezart est par exemple capable de générer des certificats d’authenticité des œuvres d’art à partir de la blockchain. 

Si la problématique n’a pas lieu d’être pour un artiste peintre traditionnel, l’enjeu n’est pas négligeable pour d’autres procédés étant donnée la facilité avec laquelle des reproductions d’œuvres originales réalisées numériquement peuvent être lancées. Les progrès des imprimantes traditionnelles ou 3D sont en effet susceptibles d’augmenter la production de copies frauduleuses, d’où la nécessité pour un artiste de graver sa création dans le marbre ou plutôt de l’inscrire dans la blockchain via quelques lignes de code. 

Certaines techniques de reprographie permettent par ailleurs la valorisation des créations d’un artiste, à travers la constitution d’éditions limitées dont chaque élément est dûment signé et tamponné avec l’accord du créateur. La Digigraphie® est un exemple de label de qualité fondé sur l’utilisation d’un certain type d’imprimantes et de pigments.

La défiscalisation encourage le marché BtoB des œuvres d’art contemporaines

Le choix politique de stimuler la création contemporaine a entraîné le besoin d’en élargir les débouchés. Si la digitalisation du marché peut favoriser la conquête de nouveaux clients professionnels, il est clair que l’État dispose d’un levier bien plus puissant encore : la fiscalité.

Pour les particuliers comme pour les entreprises, acquérir une œuvre d’art contemporaine est encouragé par l’État via la défiscalisation

Pour les sociétés, le montant de l’acquisition est directement déductible du chiffre d’affaires, à condition que le prix payé pour la création n’excède pas 0,5% du CA. L’abattement est étalé et calculé sur les quatre années fiscales ultérieures. 
La mesure est applicable quelle que soit l’activité de l’entreprise du moment qu’elle est soumise à l’impôt.
Néanmoins, comme il faut pouvoir inscrire le prix d’acquisition déductible au passif du bilan, cela exclut les professions libérales.

Ce coup de pouce fiscal est aussi subordonné au respect de plusieurs conditions parmi lesquelles : 

  • La nécessité d’acheter une œuvre originale à un artiste de son vivant.
    Il peut s’agir de tableaux, de sculptures, de céramiques ou encore de photographies.
  • L’obligation d’exposer l’œuvre dans les locaux de l’entreprise, gratuitement accessibles par le public ou les salariés, pendant 5 ans. Par exemple, à l’accueil ou dans un showroom, mais pas dans un bureau. 
    L’œuvre peut aussi être confiée à un musée.

De nombreux intermédiaires occupent désormais cette niche du mécénat d’entreprise, délivrant des expertises dans le domaine de la décoration des locaux professionnels, de la valorisation et de la maintenance des œuvres, etc. 
Ils sont ciblés, en tant que prescripteurs par les marchands d’art en ligne.

Les revers possibles de la révolution numérique

Les inconvénients de la digitalisation du marché de l’art ne sont pas forcément spécifiques au secteur. La disparition des modestes galeries d’art physiques et la nécessaire concentration du secteur sont des conséquences déjà éprouvées ailleurs, comme par exemple, dans les difficultés rencontrées par des petites surfaces alimentaires face aux hypermarchés.

La déshumanisation possible des différents processus de gestion de clientèle, désormais pilotés par une analyse de données plus ou moins automatisée, n’est pas davantage une exclusivité du marché de l’art en voie de digitalisation. 

En revanche, l’usage de la blockchain en remplacement de l’expertise humaine est plus caractéristique, même si les conséquences en sont banalement tristes telles que la disparition d’emplois dans le domaine de l’expertise
Par ailleurs, le précédent observé dans les crypto-monnaies pose le problème de la gouvernance d’une blockchain adaptée au marché de l’art.

Crédits photos : Dan Gold, Luis Alfonso Orellana, Peder Cho.

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