Le projet Bioproof avait été annoncé en 2013, mais jusqu’ici, peu d’informations avaient été rendues publiques.
Bioproof bénéficie d’un budget de 4,6 millions d’euros
Le projet Bioproof est impulsé par un consortium d’organismes et d’industriels spécialisés dans la transformation des caoutchoucs qui regroupe 10 entreprises :
- EFJM
- EMAC
- Geficca
- ITC Elastomères
- KSB
- Sacred
- Wattelez
- Michelin
- Hutchinson
- et enfin le LRCCP.
Les recherches pour ce projet ont été confiées au LRCPP (Laboratoire de Recherches et de Contrôle du Caoutchouc et des Plastiques).
Le projet cherche à définir de nouvelles sources d’approvisionnement en matière première. Son intérêt est de trouver des alternatives pour la fabrication des élastomères pour moins dépendre des fluctuations du prix du pétrole, matière composante du caoutchouc.
Réduire la dépendance au pétrole grâce aux matières renouvelables
Si actuellement le prix du baril est bas, le projet Bioproof sert à anticiper les futures mouvances du pétrole. « Tout le monde a conscience qu’il ne s’agit que d’une situation temporaire », explique Bruno Muret, directeur économie et communication au Syndicat National des Caoutchoucs et des Polymères.
Dans cette optique, la recherche s’est penchée spécifiquement vers le recyclage et de nouveaux caoutchoucs biosourcés (sélectionnés en fonction de leur origine biologique). Ainsi, le projet Bioproof cherche à trouver et valider des matières premières renouvelables et d’origine biologique comme l’amidon, les déchets recyclés ou encore des rebuts de production. « Au début du projet, il y avait un sentiment d’urgence quant à la question des matières premières. La volatilité du cours du pétrole impactait fortement les prix de vente des caoutchoucs synthétiques et des charges. Nous voulions un moyen de sécuriser ces approvisionnements », explique Bruno Muret.
Le fort potentiel des pneumatiques usagés
Selon le panorama de l’industrie française réalisé en 2009 par l’INSEE, les pneumatiques et chambres à air représentaient 54 % du chiffre d’affaires de l’industrie française du caoutchouc. Avec un gisement 17 millions de tonnes de pneus usagers par an, le traitement des pneumatiques usagés est un réel enjeu pour l’industrie du caoutchouc. Selon l’étude de l’INSEE, la moitié des débouchés du caoutchouc industriel provient du marché de l’automobile.
Le recyclage du pneu connaît de multiples problématiques. Les pneus usagers sont en général laissés chez le professionnel de l’automobile à l’achat de pneus neufs, qui sont par la suite collectés et recyclés. Parfois, certains particuliers les déposent en déchetterie mais beaucoup d’entre elles sont dans l’incapacité de les prendre en charge par manque de place. La filière de valorisation des pneus usagers Aliapur a donc récemment proposé au Comité National Routier la mise en place de collectes ponctuelles dans les collectivités qui en font la demande. Des opérations qui ne seraient réservées qu’aux particuliers, les professionnels bénéficiant déjà de la collecte gratuite dans leurs établissements.
Une autre manière de se débarrasser des pneus usagers a été leur immersion depuis les années 60 dans les mers et océans. Le but parallèle était d’en faire des récifs artificiels. Cependant, au vu de la détérioration du milieu marin, l’idée est aujourd’hui de les retirer. En mai 2015, l’Agence des aires marines protégées a donc pris l’initiative de commencer à retirer une partie des 25 000 pneus immergés en Méditerranée dans les années 80.
L’agence explique que ces récifs « présentent une colonisation nettement moindre que les récifs en béton (40% de moins) ». Le porte-parole de l’association Robin des Bois développe : « Si la colonisation n’a jamais eu lieu, c’est parce que les pneus usagés sont recouverts d’hydrocarbures et que leur décomposition progressive libère dans l’environnement des métaux lourds toxiques pour les organismes marins”.
Les pneus intéressent aussi les secteurs de l’innovation. Installée en Nouvelle-Calédonie où la lutte anti-moustique (potentiel porteur du chikungunya ou de la dengue) relève de la santé publique, la société Aedes a mis au point un filtre anti-moustique grâce à des pneus. Transformés en granulats de caoutchouc, les pneus servent de matière première à la fabrication d’un filtre de gouttière qui empêche les moustiques d’atteindre les eaux stagnantes et ainsi de proliférer autour de l’installation.
Bioproof a relevé 14 matières à fort potentiel
L’état des lieux du 21 janvier 2016 a permis de faire un point pour ce programme d’une durée de cinq ans. En analysant différentes propriétés comme la tenue au froid et au vieillissement, Bioproof a ainsi identifié et testé 12 familles de matières premières recyclées et biosourcées sur un total de 66 matières premières et 35 fournisseurs. Parmi ces matières, 14 sont produites en industrie ou pré-industrie ont donc le potentiel pour alimenter rapidement l’industrie de la transformation des caoutchoucs.
Jusqu’ici, la première phase consistait en la recherche de matériaux. 2016 marque la deuxième phase avec l’exécution d’essais et de développement dans les filières industrielles.