La proportion de consommateurs se définissant comme des écocitoyens ou des « consommacteurs » connaît une hausse rapide en France. Soucieux de leur santé et du respect de la planète, beaucoup ont décidé de peser sur les modes de production en privilégiant des biens éco-responsables.
Au-delà de l’évidente nécessité de réduire notre empreinte environnementale, quel est l’intérêt économique pour une entreprise de s’engager dans une démarche d’éco-conception ? Est-ce un bon calcul pour gagner des parts de marchés ? Quels sont les écueils possibles ?
Comprendre l’éco-conception
La notion d’éco-conception possède plusieurs définitions. Si l’on se tourne du côté de la norme NF X 30-264, ayant trait à l’implémentation d’une démarche d’éco-conception, ainsi que du point de vue de l’AFNOR sur ce sujet, l’on peut établir la définition suivante :
Définition
L’éco-conception implique l’intégration des exigences environnementales dès la conception d’un produit, qu’il s’agisse d’un bien, d’un service ou même d’un système. Ces exigences se combinent donc à celles, préexistantes, des aspects techniques, économiques et sociétaux, dans le but de proposer au consommateur un produit plus respectueux de l’environnement, à chaque étape de son cycle de vie.
Il convient également d’ajouter que tous les secteurs de l’économie sont concernés, dont bien sûr l’industrie (automobile, aéronautique, etc.) et les produits d’équipement.
Un concept “pluri-critères” et “pluri-phases”
Pendant longtemps, l’éco-conception a surtout été perçue comme ne s’appliquant qu’aux emballages, puis uniquement aux biens physiques, et ce n’est que récemment qu’elle a pu englober dans sa définition les prestations de services et les systèmes.
En outre, il faut bien distinguer l’éco-conception et l’éco-design, ce dernier se limitant à intégrer les problématiques environnementales dans le travail des designers, alors que l’éco-conception implique que chaque étape du développement du produit soit pensée dans une optique de développement durable.
Concrètement, il s’agit d’intégrer les étapes en amont et en aval de la fabrication, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la gestion de la « fin de vie » du produit, en passant par les consommations d’énergie pour leur transport et/ou stockage.
Une démarche à l’audience grandissante, et à l’efficacité indéniable
En tout état de cause, comme le démontrent les études menées régulièrement par l’ADEME, le réseau ENEC et le Pôle Eco-conception, cette vision stratégique gagne du terrain auprès des entreprises implantées en France. De surcroît, il s’avère qu’elle est désormais intégrée très tôt dans le processus de développement des produits, pour maximiser son efficacité.
Soulignons que, dès les années 1990, plusieurs experts du domaine – tels que Graedel et Allenby – estimaient que l’éco-conception pouvait réduire les impacts environnementaux négatifs (rejets polluants dans la nature, effets sur le climat et/ou la biodiversité) d’un produit à hauteur de 80%.
Des analyses plus fines, tenant compte d’un plus grand nombre d’indicateurs, sont venues réduire ce taux à environ 40%, mais il s’agit déjà d’une performance remarquable !
Les avantages de l’éco-conception pour les entreprises
S’agissant d’une démarche qui implique des contraintes, l’éco-conception représente souvent un coût non-négligeable pour les sociétés qui s’inscrivent dans cette voie. Toutefois, plusieurs éléments viennent nuancer, voire contrebalancer totalement ce constat.
Vendre 20% plus cher
Dans un premier temps, une entreprise véritablement engagée dans l’éco-conception peut avoir la satisfaction de préserver les ressources naturelles, de lutter contre le réchauffement climatique et la destruction des sols cultivables, ainsi que de protéger une biodiversité actuellement en danger. Or les consommateurs sont friands de produits qui ont été intégralement conçus et pensés pour minimiser leur impact environnemental, et un nombre croissant d’entre eux se disent même prêts à accepter un positionnement prix légèrement plus élevé que celui d’une alternative qui n’aurait pas été « éco-conçue ».
Plus d’un consommateur sur deux affirme pouvoir accepter un écart de prix allant jusqu’à 20% pour acquérir un produit mieux noté dans le cadre de l’affichage environnemental.
Un concept pour (re)découvrir ses produits, voire optimiser leur positionnement concurrentiel
De plus, l’éco-conception permet souvent de repenser un produit qu’une entreprise pensait connaître, pour en découvrir de nouvelles facettes / fonctionnalités jusqu’alors insoupçonnées. Ces nouveaux aspects peuvent être liés à l’environnement, bien sûr, mais aussi dépasser largement ce cadre en impactant positivement la qualité, les finitions et/ou le niveau technologique utilisé.
Pratiquer l’éco-conception peut donc conduire une entreprise à améliorer ses produits, voire à les positionner sur des segments « premium » plus rémunérateurs en termes de marges.
Une démarche pour progresser à court, moyen et long terme
Autre avantage majeur de l’éco-conception, elle permet de lancer une véritable « chasse au gaspillage », et donc de réduire les pertes financières. Qui plus est, compte-tenu de la hausse croissante des coûts de l’énergie, et des normes environnementales toujours plus exigeantes, elle permet à une entreprise de « se mettre en ordre de bataille », et in fine de renforcer sa compétitivité.
On peut donc parler de « cascades de bénéfices » avec l’éco-conception, entre la diminution des gaspillages à court terme, l’identification de sources d’amélioration à moyen terme, et la préparation aux enjeux – et aux attentes des clients de demain – de long terme.
Enfin, l’éco-conception unit tous les services d’une entreprise – des ingénieurs au marketeurs, en passant par les achats, les opérationnels de production, la qualité, etc. – avec un but commun, et cette synergie a même vocation à s’étendre au-delà de la société, pour intégrer les fournisseurs et les éventuels clients B2B. Dans chaque filière considérée, l’éco-conception peut donc être à l’origine de l’émergence de « pools » de développement durable.
La mise en avant de l’éco-conception, et quelques exemples révélateurs
Dans l’Hexagone, la pratique de l’éco-conception concerne aussi bien les TPE que les PME/ETI et les grands groupes, que ce soit en interne ou grâce à des prestataires extérieurs spécialisés.
Un concept en quête de reconnaissance
Toutefois, pour qu’une telle démarche ait une visibilité suffisante auprès du grand public, encore faut-il que la pratique soit mise en avant.
Dans ce but, l’ADEME n’hésite pas à apporter une aide financière aux sociétés qui lancent des démarches d’éco-conception, et elle est l’origine de multiples études approfondies sur le sujet, dans divers domaines d’activités, de l’emballage au recyclage.
En parallèle, les entreprises motivées peuvent également compter sur le soutien des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que de divers pôles de compétitivité et associations spécialisées.
Le succès est au rendez-vous
Ainsi que nous l’avons vu précédemment, une telle démarche est en capacité d’améliorer la compétitivité des entreprises, car elle rebat les cartes dans tous les domaines d’activité, en redonnant notamment leur chance à de plus petits acteurs, plus agiles et novateurs dans leur conception d’un produit « vert ».
Ainsi, des tous récents équipements pour vélos d’Altinnova – aux travers d’abris Cigogne, mobiles et photovoltaïques – jusqu’au service de « Conso’localisation » de la Camif – permettant au consommateur de connaître le lieu d’origine d’un produit et l’implication du fabricant dans le développement durable – l’éco-conception donne lieu à de remarquables success stories.
Ainsi, et pour ne citer qu’un exemple, la société Altinnova a enregistré, en 2018, une croissance à l’international de … 40%, dus essentiellement à son implication dans l’éco-conception.
Permettant d’accroître les parts de marché d’une entreprise, l’éco-conception est promise à un bel avenir, car les enjeux environnementaux ont une importance grandissante.
Crédits photos : Altinnova et Noah Buscher