La liberté d’expression du salarié, que ce dernier se trouve dans l’entreprise ou en-dehors, est encadrée de plusieurs limites. En effet, tout dépend de la qualité et du nombre de personnes recevant l’avis du salarié, mais aussi de la teneur des propos.
Si la liberté d’expression du salarié au lieu et temps de son travail peut connaître des limites en vertu d’un principe de respect notamment, la question de la liberté d’expression du salarié en-dehors de l’entreprise peut se poser.
Quel est le risque pour un salarié de critiquer son entreprise ou son supérieur alors qu’il se trouve chez lui ? Aucun a priori . Et pourtant, nombre d’employeurs se basent sur ce motif pour justifier le licenciement d’un salarié un peu trop bavard ou curieux.
S’exprimer sur un site internet : oui mais sous conditions
Dans un arrêt du 06 mai 2015, la Cour de cassation a estimé que le licenciement d’un salarié qui s’était interrogé sur la validité du motif du licenciement d’un de ses collègues sur un site internet était sans cause réelle et sérieuse (Chambre sociale du 6 mai 2015, n° 14-10.781).
Dans cette affaire, un salarié avait écrit deux articles sur un site internet pour dénoncer le licenciement d’un de ses collègues, licenciement basé, selon lui, sur des arguments fallacieux.
Suite à ces articles, le salarié avait été licenciement. Cassation de la décision par la Haute juridiction qui définit des limites à l’intrusion dans la vie privée d’un salarié, notamment au regard de sa liberté d’expression en-dehors de son lieu de travail.
Ainsi, le salarié avait su rester mesuré dans ses propos qui n’étaient ni diffamatoires ni injurieux.
De plus, le site internet sur lequel ont été postés ses articles bénéficiait d’une très faible audience. Aucun risque donc, selon la Cour, que les propos du salarié aient pu atteindre de quelque façon que ce soit la réputation ou l’image de son entreprise.
Bonne nouvelle donc, s’épancher sur le net sur les méthodes quelque peu cavalières de son employeur ne peut pas vous faire licencier. Affirmation à nuancer tout de même…
Devoir de loyauté et déclaration publique
En effet, le salarié d’une entreprise est soumis à un devoir de loyauté. Ce devoir doit s’appliquer sur son lieu de travail mais également en-dehors ; de sorte que l’employé ne peut porter atteinte à son entreprise par ses propos ou ses agissements.
Ce devoir de loyauté pose une limite à la liberté d’expression du salarié, même en-dehors de son entreprise.
Le fait d’attaquer publiquement et nommément son entreprise peut justifier un licenciement.
Ce fut le cas pour une salariée ayant affiché une banderole sur son balcon accusant son employeur en le citant. En sachant que cette banderole serait vue par toute personne passant devant chez elle, la salariée ne pouvait ignorer le dénigrement et l’atteinte potentielle à l’image de son entreprise. La salariée a abusé de sa liberté d’expression.
Cette jurisprudence trouve également une application dans le domaine des réseaux sociaux (ex : CPH Boulogne, 19/10/2010), terrain souvent privilégié par les salariés, mais jamais judicieux, pour s’épancher sur leur vie professionnelle.
Si la liberté d’expression en entreprise a des limites, la liberté d’expression hors de l’entreprise en a également.
A noter pour les salariés désireux de s’exprimer sur leur travail ou leur responsable : pour que le licenciement d’un salarié indélicat dans ses propos soit justifié, la Cour de cassation a dégagé trois critères :
- la dimension publique du propos,
- le caractère professionnel du propos (ce dernier doit se rattacher à l’environnement de travail du salarié)
- et le caractère injurieux ou diffamatoire du propos.
Pour éviter tout problème, le mieux est encore de s’exprimer à l’oral, en comité réduit et à son domicile car les paroles s’envolent mais les écrits restent.