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Relocalisations, un espoir pour l’économie et l’emploi en France ?

9 min de lecture

Si les salariés craignent toujours les délocalisations, certains phénomènes de relocalisations ont commencé à voir le jour dans les années 1990 en France. Crises, mondialisation, mutations économiques, la France ne semble pas être assez compétitive pour tirer son épingle du jeu.

Une relocalisation est un bouleversement stratégique dans la vie d’une entreprise, il est donc important de considérer l’écosystème de l’entreprise concernée dans son intégralité pour décider de mettre en place cette stratégie.

Peut-on dire que la relocalisation est un phénomène significatif permettant de ramener des emplois en France ? Analyse.

Mouvements de relocalisations

Dans les années 90, les relocalisations débutent en Europe dans certains secteurs comme l’informatique, l’électronique et le textile. En France, plusieurs groupes ont alors décidé de se relocaliser : Bull à Angers, Nathan en Bretagne, Dassault Automatismes à Langon, Sagem à Villefranche.

Dans le secteur de l’horlogerie : Ope à Lannion, dans celui de la lunetterie : Essilor, dans la confection : Caroll et Naf Naf et dans celui de la chaussure : Kickers. Plus récemment, Samas à Noyon, les pulls Mascotte à Roanne ou bien encore des jouets défectueux rapatriés par Mattel.             

En 2013, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, déclarait sur Europe 1 :

Des grandes marques familières des Français telles qu’Atol, l’Oréal, Smoby, Meccano, Eminence et Kindy relocalisent en France.

En effet, en 2009 Meccano a fait le choix de rapatrier à Calais une partie de sa production. Alain Ingberg, Président du groupe, expliquait à l’époque qu’il voulait « gagner en souplesse tout en maîtrisant l’ensemble des étapes depuis la conception jusqu’à la distribution ». Quant à la coopérative d’opticiens Atol, c’est en 2009 qu’elle entamait avec un certain succès une relocalisation à Beaune et dans le Jura. Philippe Peyard, son PDG, voulait ainsi « gagner en qualité et en réactivité », selon lui : « deux inséparables motivations ».

Les relocalisations, un phénomène marginal en France

Posons-nous maintenant la question de savoir si ces relocalisations sont significatives ou s’il s’agit seulement d’un épiphénomène ne concernant qu’une minorité d’entreprises. Le peu de statistiques provenant de l’Observatoire de l’Investissement montrent que les relocalisations ne pèsent presque rien. En nombre d’opérations d’investissements, sur la période 2009-2012, elles représentaient seulement 0,3% des opérations pour 0,1% en termes d’emplois.

Chaque année, en France entre 10 et 20 processus de relocalisations se concrétisent, créant de 10 à 30 emplois. Cela reste donc un mouvement tout à fait marginal. 

Plan d’actions pour une relocalisation réussie

La mise en place d’un projet de relocalisation se doit de reposer sur un plan d’actions clair. En effet, un plan de relocalisation marque un tournant stratégique dans la vie d’une entreprise. Il convient donc de suivre le plan d’actions suivant :

  • Analyse des besoins
  • Étude des impacts
  • Recherche et étude des espaces
  • Évaluation des solutions proposées
  • Préparation des offres de location ou d’achat
  • Négociation et signature des offres de location ou d’achat
  • Assistance dans les suivis et planification

Olivier Bouba-Olga, professeur à Sciences-Po Paris, interrogé par le Web magazine Atlantico, commente :

Si l’on croit que l’une des façons d’accélérer la création d’emplois en France prendrait comme axe stratégique essentiel la relocalisation d’entreprises, c’est un raisonnement économiquement erroné.      

En effet, peu d’emplois sont créés par les quelques entreprises qui relocalisent. Il ne s’agit pas pour elles de répéter les mêmes schémas établis avant leur départ de France. En général, ces entreprises souhaitent être plus proches de la demande, gagner en qualité ou monter en gamme. Elles peuvent aussi choisir le retour en automatisant davantage le processus productif, en œuvrant par exemple, sur la polyvalence des salariés. Cela revient à dire que bien souvent la relocalisation consiste surtout à remplacer des salariés à bas coût de main d’œuvre à l’étranger par des robots en France.

N’oublions pas que désormais, de nouvelles tendances émergent. Si, autrefois, les entreprises s’engouffraient dans une course à la compétitivité pour développer des produits sans valeur ajoutée à vendre, désormais, les clients sont à la recherche d’une véritable expérience, leur propre expérience.

En outre, en B2B, les clients sont de plus en plus dans une dynamique responsable, ce qui implique une adaptation de leur processus de production. En effet, la promotion du savoir-faire local, le respect des conditions de travail, un prix responsable, etc. sont autant de démarches qui comptent désormais dans la décision d’achat, d’autant plus que les entreprises peuvent ainsi bénéficier de différents labels qui seront gages de qualité et de confiance à faire valoir auprès de leurs clients.

Zoom sur Samas devenu Majencia : délocalisation ratée, relocalisation réussie

En 2000, Majencia cède à la tentation et choisit de délocaliser sa production en Chine. Mais tout ne se passe pas comme prévu, la société de mobilier pour entreprise n’a pas anticipé les mutations du marché. La stratégie de délocalisation est une stratégie dans son ensemble. En effet, de nombreux facteurs entrent en jeu : des délais de livraison sont incertains, il apparaît difficile pour une PME d’affréter un cargo et la dépendance énergétique est très forte. En conclusion, le temps de sa prospection a suffi pour que le marché se dégrade et la société a déposé le bilan 4 ans plus tard. Prendre en compte la taille de la société apparaît comme étant primordial afin de ne pas entrer dans un cercle vicieux. Une PME ne peut pas se permettre d’avoir des délais de livraison à rallonge ou d’être dépendant du coût du pétrole qui a un impact direct sur le coût de transport.

En 2009, Majencia décide de relocaliser les activités de production afin d’assurer sa pérennité industrielle en France, de lever sa dépendance énergétique et d’agir de manière responsable.

Certes, la société doit parvenir à rentabiliser le surcoût de la fabrication. Mais elle a vite retrouvé l’équilibre grâce à son éco-logistique reposant sur le calcul des coûts complets, c’est-à-dire le coût de revient du produit fini. La méthode de calcul est simple, il suffit d’affecter à chaque produit les charges indirectes d’approvisionnement, de production et de distribution. Mais attention à ne pas foncer tête baissée : cette stratégie ne s’applique qu’aux activités industrielles ! 

La France n’est pas encore assez compétitive

Rappelons qu’à l’époque, le ministre du Redressement productif justifiait ces relocalisations dans l’Hexagone en expliquant :

Ces entreprises recalculant leurs coûts de production se sont aperçues que les salaires augmentaient en Chine de 20%, que les prix du transport et de l’énergie explosaient et par conséquent, que la France devenait attractive.    

Cette appréciation n’est pas valable pour tous les secteurs d’activités étant donné que le choix des relocalisations ne se limite pas au seul coût du travail. Lorsqu’une entreprise se relocalise, elle prend en compte un ensemble de paramètres : coût de transport, délais de transport ainsi que leur évolution.

La volonté de certains dirigeants d’entreprise d’insérer leur modèle économique dans une approche bilan carbone ou ISO 26000 pourrait devenir, dans les prochaines années, un nouveau facteur de relocalisation. De plus, pour ces entreprises, la relocalisation est aussi une façon de récupérer l’étiquette « made in France ». Un plus non négligeable pour la clientèle française mais aussi étrangère.   

E. M. Mouhoud, économiste

En ce qui concerne la rentabilité de la fabrication, Monsieur Kassapian, PDG depuis 2005 de l’entreprise Geneviève Lethu, spécialisée dans les arts de la table, s’exprimait dans Le Monde du 14 avril 2009 :

Les coûts de production en France et en Europe s’élèvent, selon les produits, entre 15 et 50 % par rapport à la Chine.
Mais comme il nous fallait parfois jeter au rebus la moitié des conteneurs, car la qualité n’était pas celle attendue, la possibilité d’une relocalisation s’est imposée d’elle-même, malgré qu’il ne soit pas toujours facile de trouver des sous-traitants compétents en France, l’industrie dans ce secteur étant sérieusement sinistrée.

L’étiquette « made in France » fait partie intégrante de la stratégie de notre marque.
Les australiens ou les américains ne nécessitent pas nos services pour acheter chinois. Ce qu’ils demandent, c’est du ‘’typical french‘’.

Le label « made in France » en question

Par ailleurs, on sait que certaines entreprises détournent ce problème en fabriquant les pièces à l’étranger, pour les assembler ensuite en France, pouvant bénéficier ainsi du convoité label « made in France ». L’attrait exercé par un pays plutôt qu’un autre dépendra du secteur d’activité. Pour ceux étant très intensifs en main-d’œuvre, la Chine peut comporter un certain avantage. Dans les secteurs pour lesquels les délais de livraison sont stratégiques, une implantation française ou européenne sera plus intéressante. Par contre, les entreprises implantées à l’étranger dans le but d’être plus proches de la demande n’auront pas intérêt à revenir en France. Certaines des entreprises françaises implantées en Chine approvisionnent la clientèle chinoise ou indienne.

Toujours selon Olivier Bouba-Olga : « Croire que l’avenir de l’industrie française se situe dans les relocalisations est une erreur. Cela peut être intéressant en termes de communication politique, mais si l’on parle de rationalité économique, le problème est ailleurs ». Ce discours politique s’explique en partie car la population française craint les délocalisations. En fait, l’enjeu se porte sur les entreprises déjà établies en France. Une double problématique est à concilier : faire évoluer la capacité d’innovation des entreprises dans les domaines du marketing, de l’organisation, des nouvelles technologies, etc. ainsi que former et qualifier les personnes afin qu’elles retrouvent un emploi rapidement. C’est là que se situent les vrais chantiers.

Les délocalisations impliquent-elles un phénomène de réindustrialisation ?

Les relocalisations en Europe et en France restent un phénomène encore marginal. Si l’on aspire à un mouvement d’ampleur, nous devons être prudents quant aux prévisions d’accentuation de la tendance spontanée des relocalisations en France.

L’augmentation des coûts de production en Chine n’impliquera pas de retour de l’activité en France

Chaque vague de délocalisation est habituellement suivie de quelques cas ponctuels de relocalisation, résultante d’échec dans leur délocalisation. A cela s’ajoutent, dépendant des infrastructures du pays d’accueil, plusieurs difficultés liées aux imperfections des produits finis, des délais trop longs dans les livraisons concernant les secteurs traditionnels (habillement, jouets) et plus foncièrement à la perte d’un avantage technologique.

Si l’on a observé une augmentation des cas de relocalisations ces dernières années, cet accroissement n’est en fait que l’image d’une hausse bien plus importante des délocalisations.   

Par ailleurs, il faudra s’attendre à un mouvement de retour des délocalisations ou de déplacement des stratégies de délocalisations : dans 5 ou 6 ans, si les produits chinois deviennent aussi chers que les européens, il ne faudra pas s’attendre, pour autant, à un mouvement de relocalisation vers le Vieux Continent. Les produits qui ne seront plus fabriqués en Chine le seront au Vietnam, au Bangladesh, en Indonésie, en Inde, au Maroc, en Égypte…

Les interventions de l’État dans la relocalisation  

Au cours des années 1980, les premières mesures prises par l’État en faveur des relocalisations n’ont pas obtenu l’impact économique prévu. Depuis ces années-là, en France, diverses mesures d’une efficacité discutable ont été prises par les gouvernements successifs dans le but d’enrayer le départ des entreprises françaises.

C’est ainsi, qu’au milieu des années 2000, afin de renforcer l’attrait de la France et de fidéliser les entreprises installées dans l’Hexagone, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin adoptait le crédit d’impôt pour la relocalisation (en vigueur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006).

Puis en 2010, le gouvernement a mis en place la prime à la relocalisation (dont a bénéficié la première, la fameuse fonderie Loiselet). Cependant, exception faite de quelques cas ponctuels, rares sont les entreprises qui ont cherché à en bénéficier.

Alors que la crise économique sévit depuis 2008, détruisant plusieurs milliers d’emplois au prix d’une souffrance sociale sans commune comparaison depuis la crise de 1929, la question du travail et des relocalisations des activités productives devient une priorité politique. Durant la campagne présidentielle de 2012, l’ensemble des candidats avait plaidé en faveur d’une politique soutenue de relocalisation des productions. Avec l’arrivée au pouvoir de la gauche, le combat pour maintenir des usines en France est enfin devenu l’un des thèmes de prédilection pour les pouvoirs publics. En 2013, le ministre du Redressement productif prenait des mesures destinées à renforcer la relocalisation :

  • Le lancement de Colbert 2.0, un logiciel d’aide à la décision
  • Des fonds orientés à la relocalisation
  • Une mise en relation de l’entreprise avec un interlocuteur unique régional nommé par Bercy
  • Une mise à disposition d’une base de données

Cependant, les analystes économiques mettent en évidence certains des freins pouvant ralentir les processus de relocalisation :

  • Le coût du travail
  • L’instabilité et la complexité de la réglementation
  • Le manque de lisibilité quant aux dispositifs de soutien
  • Un espoir pour relancer l’emploi 

La France dispose pourtant de compétences uniques dans plusieurs secteurs économiques dans lesquels elle pourrait améliorer sa position dans le jeu du commerce international. Dans les domaines les plus prometteurs, une politique de soutien aux relocalisations devrait s’affirmer comme l’un des axes d’une stratégie renouvelée en matière de politique industrielle. Cette nouvelle stratégie pourrait être mise en application sans contrainte imposée aux entreprises, mais au contraire en modernisant et en développant un partenariat réaliste et équilibré avec les acteurs principaux de l’économie française.

Le cas des Etats-Unis        

Pour leur part, les entreprises américaines ont été les premières à entreprendre une relocalisation partielle de leur production. C’est ainsi que Motorola et General Motors, au début des années 1980, ont relocalisé aux Etats-Unis leurs unités de production et d’assemblage auparavant délocalisées à Singapour, à Hong Kong, en Indonésie et en Malaisie. En effet, grâce à l’automatisation de leur production, les coûts unitaires étaient devenus aussi compétitifs que ceux des pays dans lesquels la production était délocalisée.   

D’ici l’horizon 2020, une relocalisation de près de 3 millions d’emplois depuis la Chine vers les Etats-Unis est prévue par des experts.             

Par ailleurs, plusieurs célèbres firmes américaines ont déjà entamé un mouvement de relocalisation. C’est ainsi qu’Apple annonçait le retour sur sol américain en 2013, d’une de ses chaînes de production d’ordinateurs délocalisée en Chine. General Electric, elle aussi, a prévu d’installer dans le Kentucky son usine de production de frigos et de chauffe-eau électriques. Caterpillar envisage également de se relocaliser partiellement. Il en va de même pour des entreprises de moindre envergure telle que Carlisle. Dave Roberts, son PDG déclarait récemment: « Il est devenu tout aussi peu cher de produire aux Etats-Unis qu’en Chine ».

A noter également dans le secteur financier la relocalisation d’Everdream, firme spécialisée dans les services d’informations technologiques, qui après une délocalisation de sa production au Costa-Rica, a décidé de se relocaliser aux Etats-Unis.        

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