Si l’intention de la plupart des personnes utilisant cette expression était effectivement de montrer leur soutien aux victimes des attentats, d’autres en ont profité pour essayer de lui donner un aspect mercantile.
Pas de caractère distinctif
Il apparaît ainsi que l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a reçu pas moins de cinquante demandes de dépôt de marque concernant le logo « Je suis Charlie ». La plupart des demandes visait ces trois mots, écrits en gris sur fond noir, avec la typographie propre au journal satirique « Charlie Hebdo ».
Une demande de dépôt de marque coûte entre 200 et 225 euros selon qu’elle est faite en ligne ou sur support papier. Le demandeur peut déposer sa marque dans une, deux ou trois classes différentes au maximum, chaque classe supplémentaire étant facturée 40 euros. Une classe correspond à un produit ou ensemble de produits qui ont la même utilité ou sont utilisés dans le même secteur d’activité. Il en existe près de 45. Une fois la marque déposée, l’INPI procède à un contrôle tenant notamment à la validité de la marque (la marque a-t-elle déjà été déposée ? la marque remplit-elle tous les critères posés par le droit de la propriété intellectuelle ?). Si aucune objection n’est émise, la marque est validée, enregistrée et publiée au Bulletin Officiel de la propriété industrielle (BOPI) et le demandeur reçoit un certificat d’enregistrement qui est une preuve de propriété. Une marque est protégée pour 10 ans sur le territoire national, renouvelable indéfiniment.
Ici, les personnes souhaitant déposer le logo « Je suis Charlie » en tant que marque ont été déboutées. En effet, l’INPI a refusé de valider ces dépôts. Si l’on peut imaginer que ce refus tient à la volonté de l’Institut de laisser la possibilité à ces personnes d’utiliser le logo à des fins commerciales alors que des personnes sont décédées, l’organisme apporte néanmoins une justification juridique à ce refus. Elle se base en effet sur la notion de caractère distinctif qui induit que la marque déposée doit permettre de distinguer l’origine du produit par rapport à l’origine du produit d’un ou plusieurs concurrents. C’est ainsi que l’INPI a annoncé avoir « pris la décision de ne pas enregistrer ces demandes de marques, car elles ne répondent pas au critère de caractère distinctif. En effet, ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité ».